LES RACINES DORÉES D'HALFAR Julie Beaulieu, gagnante catégorie 1re et 2e secondaire
1re secondaire, École secondaire l’Assomption
Commission scolaire des Monts-et-Marées

Les racines dorées d'Halfar

Il y a de cela cent ans, dans la forêt de Monyurn, un jeune elfe du nom de Timy se promenait entre les arbres immenses du territoire de chasse du clan Abzaguel. Il était à la recherche de l'ingrédient qui compléterait sa potion.

Malheureusement, les racines provenant des racines de l'arbre halfar étaient difficiles à trouver. Suivant les empreintes laissées par ses prédécesseurs, Timy marchait sur le sentier brumeux et humide. Un éclat doré attira son attention. Plein d'espoir, Timy courut vers l'objet en question. L'elfe trébucha et se blessa le genou. Retenant ses larmes, il se releva et continua à marcher, l'oeil plus attentif. Timy arriva finalement à destination. Sa déception se lisait sur son visage. Ce n'était pas les racines dorées de l'arbre halfar, mais un simple bout de tissu.

Déçu, Timy continua d'avancer. C'est alors qu'il eut une idée. Peut-être que s'il était plus en hauteur, il pourrait voir les feuilles blanches si caractéristiques de l'halfar. L'elfe s'accrocha à une branche et grimpa agilement sur l'arbre. Arrivé au sommet, Timy observa attentivement la forêt qui s'étendait devant lui. Malheureusement, la brume était trop épaisse et il lui était impossible d'apercevoir quoi que ce soit. Dépité, l'elfe redescendit au sol.

Timy abandonna. Jamais il ne trouverait l'ingrédient final pour sa potion. Une larme coula sur sa joue, suivie de plusieurs autres. Elles atterrirent sur la boue qui s'écarta sous leur poids. À la place de la terre mouillée se trouvait désormais une racine d'un doré étincelant. Les yeux écarquillés, Timy leva la tête et remarqua que les feuilles étaient blanches. Il ne les avait pas vues plus tôt à cause de la brume. Souriant, l'elfe sortit son petit couteau et préleva un petit bout de racines. Content d'avoir accompli sa tâche, Timy retourna chez lui.

Plus tard, on entendit encore parler de l'elfe Timy, le créateur de la potion curative.

MUSTÉLIDÉ EN DANGER Océane Vienneau, gagnante catégorie 1re et 2e secondaire
2e secondaire, École secondaire Langevin
Commission scolaire des Phares

Mustélidé en danger

Margarette était une gentille petite belette qui vivait tranquillement dans son terrier et ne menait pas une vie compliquée. Par un beau matin, Margarette entendit un effroyable rugissement, puis la terre de son terrier fut secouée de tremblements. Elle sortit de sa maison et vit des hommes monter sur d'immenses machines de métal.

Par la suite, la belette prit rapidement la poudre d'escampette. Elle serpenta un moment dans les bois, puis la nuit tomba. Éclairée par les lucioles, elle alla chez son amie Jasmine l'hermine. Les deux copines essayèrent de trouver une solution. Jasmine lui proposa de déménager, mais Margarette refusa, sachant que les humains allaient tôt ou tard empiéter sur ce nouveau territoire. Elles décidèrent finalement de montrer aux humains de quel bois se chauffent les mustélidés. C'est ainsi que belettes, hermines, furets, moufettes, blaireaux, fouines et autres copains se mobilisèrent afin d'effrayer les humains. Arrivés près de l'ancien terrier de Margarette, les rangs se serrèrent, les poils se hérissèrent. Les hommes furent, sur le coup, stupéfaits, mais ils réagirent rapidement en grimpant tous à bord d'une machine. Ils firent vrombir les moteurs si fort que la plupart des bêtes battirent en retraite.

Sur le moment, notre chère Margarette fut décontenancée, mais elle était prête à tout pour avoir son terrier. Le lendemain, elle organisa une rencontre avec tous les mustélidés de la forêt, afin d'élaborer une stratégie. Lorsque le soleil se coucha, ils passèrent à l'action. Arrivées sur les lieux, toutes les bestioles furent sans voix. Plus aucune trace d'hommes ni de machines effrayantes. N'ayant plus rien à faire là, les bêtes rentrèrent chez elles.

En fait, voilà ce qui c'était produit : quand la belette et ses amis sont retournés pour la première fois au terrier, un garde-chasse avait aperçu Margarette. Il avait aussitôt reconnu cette espèce de belettes protégées et avait ordonné l'arrêt immédiat des travaux. Alors notre belette protégée réaménagea son terrier et recommença à vivre une vie pas trop compliquée. À son insu, elle a contribué à protéger l'une de nos précieuses forêts!

REPOSE EN PAIX Maverick Turriff, gagnant catégorie 1re et 2e secondaire
2e secondaire, École secondaire du Mistral
Commission scolaire des Phares

Repose en paix

Québec, 2101
Les conditions de vie étaient pitoyables. Depuis longtemps, la couche d’ozone s’amincissait considérablement et rendait la Terre extrêmement vulnérable aux radiations solaires. Maintenant, les gens évitaient l’extérieur. L’hiver n’existait plus. Pire encore, les arbres mouraient de sécheresse et se régénéraient avec difficulté. Moi, Alexander Turriff, mince vieillard et environnementaliste pacifiste de 99 ans, j’étais assis à mon bureau. Je pensais à tous les avertissements que j’avais donnés au gouvernement. Tout ça pour en arriver là. « Il n’y a plus rien à faire » était le seul vulgaire message qui me venait en tête quand… Exactement! L’idée la plus saugrenue m’était venue à l’esprit.

Une semaine plus tard...

Au parlement de Québec, je rencontrais le ministre de l’Environnement, Simon Richard.
- « Salutations, M. Turriff. Que voulez-vous encore me dire?
- Je suis venu ici pour vous parler d’une idée qui pourrait sauver l’espèce humaine.
- Je vous écoute Alexander, dit Simon intrigué.
- Il y a plusieurs années, j’ai modifié une graine de chêne en la dosant de cellules spéciales qui permettaient à l’arbre qui poussait de supporter de hautes températures.
- Mais c’est génial! Avez-vous la formule pour en créer d’autres?
- Oui, mais je ne sais pas exactement où elle est. Demain, rencontrez-moi devant l’entrée du parc national du Bic. »

Le lendemain...

« À l’aide d’une micropuce grugeuse de bois programmée, j’ai encodé la formule dans le cœur d’un des arbres du parc. À mon âge j’ai tendance à oublier. Il s’agit donc à vous de trouver lequel» dis-je.

Trois mois passèrent. Ils avaient tout dévasté l’immense territoire du parc. C’était horrifiant. La « bonne nouvelle » était qu’ils avaient trouvé l’arbre, mais il n’y avait que le signe « :) » gravé dedans.

J’étais de retour dans le bureau de Simon qui était cette fois furieux.

- « OÙ EST LA FORMULE! » cria Simon.
- Ceci n’était qu’un test, M. Richard. Ma formule aurait pu tous nous sauver de façon durable, mais n’aurait jamais effacé la bêtise humaine », dis-je en riant.
- Quoi!? »

Je sortis la formule écrite sur papier de mon veston ainsi que des allumettes et la brûlai devant ses yeux. Je fis un léger rictus, pris chapeau et canne, et sortis de la pièce conscient que le futur de l’humanité venait de partir en fumée.

GAÏA - PROLOGUE Coralie Fortin, gagnante catégorie 1re et 2e secondaire
2e secondaire, École secondaire du Mistral
Commission scolaire des Phares

Gaïa - Prologue

Je sens le vent qui fait bruisser les feuilles. Je suis l’air. Je sens l’amour qui consume le cœur des animaux. Je suis le feu. Je sens les gouttes qui ruissellent le long de l’écorce. Je suis l’eau. Je sens les racines qui remuent dans le sol. Je suis la terre. Je suis tout et rien à la fois, le jour et la nuit, la Lune et le Soleil. Je suis l’esprit de la forêt. Le temps, hier, aujourd’hui, demain, n’a jamais eu d’importance. Or, l’esprit a parlé. La prophétie peut s’enclencher. Aujourd’hui, le monde renaîtra.

C’était le printemps. Là où les fleurs repoussent, où les animaux sortent de leur torpeur, où tout s’éveille. Je serpentais entre les arbres, les cheveux dans le vent, le cœur battant au rythme de la Terre. J’ai toujours su que j’étais différente. J’appartenais à la forêt. Les hommes la rasaient et la brûlaient. Mais, elle prospérait. Jamais elle ne s’éteindrait. Comment je le savais? Elle me l’avait dit. Maintenant, j’allais à sa rencontre. Je devais y aller. Je le savais, je le sentais. Aller au cœur de l’immense sapinière, aux pieds du plus vieux de ses sapins; Arken. C’était son nom. C’était l’esprit de la forêt. Quelques enjambées plus tard, j’arrivais enfin. Je m’agenouillai entre ses racines. Soudain, je m’effondrai sur la terre humide. Ma vision se brouilla. Arken m’avait appelée.

« Approche, mon enfant », entendis-je.

Tout était noir, mais je sentais sa présence rassurante.

« Tu es l’élue Gaïa. Tu es le feu, l’air, l’eau et la terre. Le temps est venu. Le monde a besoin de toi. Je vais rejoindre les Anciens dans les cieux. Allez, va. Le devoir t’attend Gaïa l’Élue, le nouvel esprit de la forêt. » 100 ans déjà que je me suis fondue à la forêt. J’ai donné mon âme, mon corps, ma vie pour la protéger et l’aimer. Aujourd’hui est un grand jour. Je le sais, je le sens. Mon rôle sur cette terre est terminé. L’enfant élu marche présentement sur mon territoire et approche, une force irrésistible l’attire vers moi. Il le sait, il le sent. L’esprit a parlé. Le cycle recommence. Le monde renaîtra, encore et toujours.

DÉCOUVERTE ACCIDENTELLE Anne-Marie Tremblay-Couture, gagnante catégorie 3e et 4e secondaire
3e secondaire, École secondaire Armand-Saint-Onge
Commission scolaire des Monts-et-Marées

Découverte accidentelle

Magalie fut réveillée par un bip strident. Prise de panique, elle bondit de son lit et se précipita vers la chambre de son père.

« Après avoir été maman à la maison pendant de longues années, ce n'était pas facile de trouver un travail qui me permettait de m'occuper de mon enfant. Ici, on m'offre une formation, mais aussi de bonnes références d'emploi qui m'aideront, j'en suis sûre, à me trouver quelque chose de bien pour moi. »

- Papa!!!

Sur ces mots, le chercheur fut brusquement tiré de son sommeil. Il n’eut pas besoin de plus de détails pour comprendre ce qui se passait; un seul regard par la fenêtre lui suffit.

- Mes recherches!!! Vite Magalie, dehors!

Depuis près de vingt ans, Pierre-Martin Watson, un entomologiste passionné, rédigeait de complexes ouvrages sur les insectes et leur impact sur l’environnement forestier. Il avait consacré sa vie à sa profession. Encore aujourd’hui, il finançait ses recherches en exploitant de façon durable l’un des deux lots à bois de sa sapinière, tandis qu’il réservait l’autre pour y effectuer ses études scientifiques. Il n’avait jamais bénéficié d’une quelconque aide gouvernementale, car il ne voulait pas avoir de comptes à rendre.

Pendant que son père rassemblait sa documentation, Magalie se rendit à l’extérieur où elle mit en marche le mécanisme d’urgence : un système de tuyauterie haute pression qui serpentait sur une centaine de mètres autour du campement. Ces tuyaux percés projetaient de puissants jets d’eau aux alentours.

À peine vingt minutes s’écoulèrent avant que des pompiers célestes ne parviennent à leur secours.

Lors du sauvetage, le Dr Watson avait emporté avec lui l’essentiel de ses découvertes. Mais lorsqu’il avait constaté les ravages de l’incendie, il en était presque à s’en ficher. De toute cette immense forêt, de toutes ces espèces fascinantes avec lesquelles il avait cohabité durant ces longues années, il ne restait que des cendres.

Les jours qui suivirent furent lourds de soupçons. Il était peu probable qu’un incendie de cette ampleur ait été déclenché par un facteur naturel; aucun orage ne s’était récemment manifesté sur le territoire. C’était donc forcément la faute de l’homme. À plusieurs reprises, nous avions interrogé le Dr Watson et sa fille, qui ne voyaient pas du tout ce qui avait pu mettre le feu. Mais, après avoir repéré la zone où l’incendie s’était déclaré, des analyses du sol avaient révélé qu’il contenait une quantité incroyable de résidus d’un agent inflammable important; une poudre blanche difficile à se procurer, appelée nitrate de baryum, qui semblait être entré en contact avec un alliage d’aluminium. Lors d’un temps sec, une toute petite étincelle avait pu suffire!

Lorsqu’on mit au courant Monsieur Watson de ces faits, il comprit soudainement ce qui s’était passé et conclut que ses expériences de pyrotechnie, menées pour étudier la reproduction chez une nouvelle espèce de luciole, étaient certainement la cause de ce funeste évènement. Mais au moins, ce désastre n’avait pas servi à rien. En plus d’avoir réussi à emporter deux échantillons des ces insectes et ainsi éviter leur extinction, Pierre-Martin avait découvert que, en réaction avec l’incendie, l’enzyme à l’origine de la luminescence de ces lucioles avait provoqué la croissance décuplée d’une petite pousse d’arbre. Une découverte qui maximiserait le potentiel d’utilisation de chaque arbre et donc, réduirait considérablement les effets néfastes de l’exploitation forestière.

SANS TITRE Alex-Anne Dufour, gagnante catégorie 3e et 4e secondaire
4e secondaire, École secondaire Polyvalente Forimont
Commission scolaire des Monts-et-Marées

Sans titre

Le guide déblatérait des propos sans intérêt et je m'emmerdais ferme. Mes jambes réclamaient du mouvement et mon cerveau, torturé par les explications des effets néfastes de la pollution sur nos forêts, ne demandait qu'à s'évader. Je détestais les sorties scolaires.

Maintenant, je le sais! Je veux suivre une formation en agriculture! » D'ici là, il continuera à accumuler les compétences tout en veillant à vider les bacs de la chaîne de triage pour les disposer au bon endroit dans l'entrepôt.

Je me trouvais dehors, près d'une sapinière, avec le reste de mon groupe. Je jetai un coup d’œil à la masse d'élèves, à la recherche de Reyna. Aucune trace de ma meilleure amie. Comme s'il lui avait suffi de ce détail insolite pour aviver sa curiosité, mon cerveau reprit subitement connaissance.

Curieuse et lasse du monologue que livrait le guide, je m'éclipsai discrètement. J'aperçus l'empreinte des chaussures de Reyna dans la boue, à proximité du bois. Il ne me fallut guère plus pour m'y engager. J'errai un moment, sans but davantage précis que de rejoindre mon amie, observant distraitement les lucioles serpenter dans les fourrés, telles de petites étincelles clignotantes.

Mais soudain, les étincelles s'effacèrent. La forêt me sembla radicalement plus sombre et brumeuse. Je me figeai devant cette métamorphose inopinée. Que se passait-il? Pourquoi ne trouvais-je pas Reyna? D'où provenait cette impression glaciale qui engourdissait mes sens? La brume m'engloutit dans son opacité. Tournant en rond comme loup en cage, le souffle saccadé, la panique me brûlant les entrailles, je trébuchai sur une racine. Quelle idiote j'étais! Et maudite fût ma meilleure amie. Pourquoi disparaître sans crier gare? Je ne serais alors pas là, recroquevillée en chien de fusil, les joues ruisselantes.

Mais soudain, les étincelles s'effacèrent. La forêt me sembla radicalement plus sombre et brumeuse. Je me figeai devant cette métamorphose inopinée. Que se passait-il? Pourquoi ne trouvais-je pas Reyna? D'où provenait cette impression glaciale qui engourdissait mes sens? La brume m'engloutit dans son opacité. Tournant en rond comme loup en cage, le souffle saccadé, la panique me brûlant les entrailles, je trébuchai sur une racine. Quelle idiote j'étais! Et maudite fût ma meilleure amie. Pourquoi disparaître sans crier gare? Je ne serais alors pas là, recroquevillée en chien de fusil, les joues ruisselantes.

Ne me refais plus jamais ça, soufflai-je.

-Ne t'en fais pas, me répondit-elle en s'écartant.

Elle planta son regard dans le mien. Ses iris, d'ordinaire mordorés, avaient laissé place à deux orbes céruléens. Je reculai d'un pas.

-Reyna?

-Nous sommes tous passés par là, continua-t-elle.

-Quoi?...

-Ce sera très bref.

Son sourire s'accrut, démentiel. De petits points bleus incandescents surgirent dans la pénombre entre les arbres. J'étais cernée de toutes parts. Reyna s'avança vers moi, suivie d'autres. Je reconnus le guide et mon groupe.

Je terminai ma vie la seconde suivante. Puis, je rouvris les yeux; ils tournèrent au bleu vif.

C'EST LA DERNIÈRE FOIS Olivier Breton, gagnant catégorie 3e et 4e secondaire
4e secondaire, École secondaire de la Vallée-des-Lacs
Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs

C'est la dernière fois

L’aube se pointe timidement, sa lumière au sommet des arbres. Je devais me rendre ici. Cette immense forêt autour de moi bientôt ne sera plus. Cet ancien territoire public a été vendu il y a peu à une corporation à but lucratif. Je ne sais pas exactement ce qu’ils veulent faire ici. De toute façon, je m’en moque, car ils vont défricher ma forêt, la couper à blanc, la tuer, la détruire. Il fallait que je dise adieu à l’endroit qui m’a vu grandir.

La forêt n’a pas changé durant toutes ces années. Tout en marchant sur le sentier serpentant entre les arbres, je me remémore tous les moments que j’ai vécus ici. Les meilleurs remontent vers l’âge de sept ans, alors que mon grand-père m’amenait en amont entailler les érables. Nous nous levions au petit matin et nous partions en motoneige. Mes petites raquettes aux pieds, je suivais maladroitement grand-père qui avançait aisément sur la neige. Pendant qu’il perçait les arbres, je tendais des collets à lièvres. Souvent, j’apercevais des empreintes dans la neige humide du printemps, près de mes pièges. Alors, tout excité, je m’élançais vers ma proie. Parfois, je me couchais sur le tapis blanc et moelleux, je fermais les yeux et écoutais les mille et un bruits des bois. J’appréciais déjà le calme surréaliste de la forêt, l’air pur et frais et la grâce de l’arbre se dressant fièrement au-dessus des hommes.

Tous ces souvenirs… Toutes ces chasses, ces pêches, ces cueillettes, ces promenades… Au loin, j’aperçois une souche d’arbre. Sans prévenir, je ressens comme une boule dans l’estomac. Je dois même réprimer un sanglot, car je reconnais la souche. C’est là où mon grand-père a abattu son dernier orignal. Comment l’oublier? Après trois jours de chasse frustrants, où aucun gibier n’a laissé la moindre trace, il est apparu. J’avais douze ans à l’époque, et c’était la première fois que je voyais un orignal d’aussi proche. L’air brumeux ne cachait en rien sa magnifique allure; ce roi de nos forêts québécoises, grand et fier, était impressionnant. Grand-père l’a tué d’une flèche. Ah! Grand-père… Comment aurais-tu réagi à ma place? Tu aimais cette forêt encore plus que moi. Ça serait peut-être moins dur si tu étais là…

Mes rêveries sont interrompues par le son caractéristique du pic-bois. Mélancolique, je me dirige paresseusement vers la sortie de la forêt, tout en sachant que le pic-bois sera mort dans moins d’un mois, que les seaux des érables de Grand-père perdus quelque part dans les bois, qu’un pan entier de ma vie, seront détruits. Pour toujours…

AMITIÉ INESPÉRÉE Laure Jalbert-Drouin, Gagnante catégorie 3e et 4e secondaire
3e secondaire, Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière

Amitié inespéré

Il y a de cela bien longtemps, dans une lointaine forêt boréale où les arbres possédaient la capacité de parler et de ressentir des émotions, se trouvait un grand chêne blanc solitaire, isolé des siens depuis bien trop longtemps. Il était le seul feuillu au milieu de cette sapinière, ce qui l'avait rendu grincheux et irritable.

Un beau matin de printemps, un cardinal s'approcha du vieux chêne jusqu'à se poser sur l'une de ses branches bourgeonnantes, puis il se mit à chanter. Jugeant ce nouveau venu importun, le doyen de la forêt le repoussa d'un simple mouvement de branche. Cependant, le petit oiseau au plumage carmin n'abandonna pas et il revint gaiement chaque fois que le chêne le rejetait, parfois après quelques heures, parfois après quelques jours. À chaque fois, il sifflait un nouvel air. Ces va-et-vient durèrent plusieurs mois. De ceux-ci, un lien s'était créé entre les deux individus pourtant à l'opposé l'un de l'autre. Ils continuèrent donc à se fuir et se retrouver ainsi jusqu'au jour où, quelques semaines avant l'automne, le vieux chêne accepta que l'oiseau se pose sur l'une de ses branches et lui dit : « Je t'accueillerai en mon feuillage à la seule condition que je sois le seul arbre de cette forêt à pouvoir écouter ton chant et bénéficier de ta compagnie ». Le cardinal accepta avec joie et dressa aussitôt son nid. Et leur relation en devint encore plus forte.

Par la suite, leur cohabitation dura jusqu'à la première neige. Alors, l'oiseau dut migrer vers un territoire plus chaud afin d'assurer sa survie lors de l'hiver qui approchait. Dès lors, le grand chêne se retrouva plus seul que jamais dans cette immense forêt, car être éloigné de la seule personne que l'on aime, ne serait-ce que quelques heures, est bien pire que d'être seul toute une vie lorsque personne n'a su gagner notre amour.

Cet hiver fut le plus long que le chêne n'eut jamais connu. Il attendit jour après jour, puis semaine après semaine en espérant le retour du petit oiseau, voulant entendre à nouveau l'une de ses si douces mélodies. Malgré le manque qui le brûlait de l'intérieur, le grand arbre prit soin du nid de son protégé tout au long de la saison froide. Cela l'occupait et rendait le retour de son ami plus réel à ses yeux.

Puis, lorsque le printemps revint enfin et que les branches du chêne bourgeonnèrent à nouveau, il guetta sans répit le ciel, dans l'espérance de voir apparaître les ailes rougeoyantes de son seul compagnon. Alors, lorsque celles-ci apparurent enfin plusieurs jours plus tard, le vieux chêne ressentit une infinité d'émotions qui lui étaient inconnues auparavant. Il ne pouvait plus nier l'évidence que ce petit oiseau à la voix d’or et au plumage de rubis était devenu sa ligne de vie et qu’il avait fait de lui un être heureux et attendri. Il avait réussi à le traîner, lui, ce vieux chêne grincheux, du fin fond de son enfer intérieur jusqu'au bonheur.

À L'AUBE DE LA RENAISSANCE Laury-Ann Dumoulin, gagnante de la bourse d’écriture Télé-Québec, catégorie 5e secondaire
École secondaire Armand-Saint-Onge
Commission scolaire des Monts-et-Marées

À l'aube de la renaisssance

Le 10 octobre 2999 se déroulait le dernier rassemblement, l’un des plus significatifs de l’histoire de la race humaine. Pourquoi? Parce qu’en ce dernier jour du 30e siècle tous, sans exception, votèrent la renaissance.

Ce matin-là, Silver Jordan Smith se réveilla surprise par l’alarme automatisée de son caisson d’hibernation. À la seconde même où ce son retentit, sortit de cette issue une épaisse fumée blanche venant envahir la pièce immaculée. D’un mouvement assuré, elle mit un pied à l’extérieur, puis l’autre. Ensuite, elle ouvrit les yeux et prit une grande inspiration. L’adolescente était éveillée. Les murs se transformèrent en écran et commencèrent leur diffusion. Silver avait été choisie parmi plus d’une centaine d’adolescents de son âge en l’an 2197 pour ce que le gouvernement appelait le « Projet Saturne ». À la veille de tous les centenaires, son caisson s’ouvrait pour qu’elle reprenne vie et participe au grand rassemblement. À son réveil, tous les écrans étaient programmés avec les dernières nouvelles, inventions, innovations, technologies et malheureusement les derniers échecs de la race humaine. Les images défilaient sans arrêt. Son regard suivait chacune d’entre elles méthodiquement, analysant, mémorisant et synthétisant chacune des informations reçues.

Lorsque la diffusion fut terminée, elle entreprit son périple dans l’immense forêt à travers les arbres. Au sommet de la montagne, onze semblables de différentes générations l’attendaient. À cela s’ajoutaient plusieurs ethnicités. L’adolescente les reconnaissait. Elle était l’une d’entre eux. On lui avait retiré ses émotions pour qu’elle soit apte à intervenir, en toutes circonstances, peu importe les conséquences. Silver était programmée, mais au fond d’elle-même elle se savait contraire aux espérances. Celle-ci éprouvait bel et bien des sentiments pour ce territoire. Elle était née, avait grandi et vieilli, ici, dans cette même forêt, la dernière des forêts.

— Bienvenue, chers confrères et consœurs, veuillez prendre place, dit le plus vieux d’entre tous.

Le discours commença. Il dura des heures entières à la suite desquelles chacun devrait justifier ses choix. Puisque les débats commençaient habituellement par les aînées, il en fut aussi ainsi pour ce rassemblement.

— Nous devrions tout brûler, nos descendants ne sont pas dignes de la vie que la Terre leur offre. Le taux d’oxygène chute trop rapidement. Tôt ou tard, ils périront et entraîneront la perte de notre race. Ils ont surconsommé les ressources. Rien ne peut arranger les terribles dégâts qu’ils ont malheureusement causés!

Et ils poursuivirent encore et encore…

— Non! Nous devons cohabiter avec eux, leur expliquer les erreurs du passé! Tout brûler se résumerait à un abandon de notre part! dit Silver lorsque son tour vint.
— Jeune fille, ne voyez-vous donc pas? Leur empreinte écologique est si importante que deux cents humains ne pourraient point survivre une autre décennie!, mentionna l’ancêtre.
— Notre seule existence se résume à la conservation du développement durable, celui de répondre aux besoins présents sans compromettre ceux des générations futures. Ne croyez-vous pas que nous avons échoué et qu’il en est de notre devoir de veiller au bon rétablissement de notre planète mère? N’est-ce pas la raison de notre présence ici même?

Suite à ce monologue, un silence envahit la forêt. Tous votèrent en faveur de la renaissance, leur propre retour dans l’humanité. Cela pour restaurer les propriétés de la Terre pour laquelle chacun d’entre eux avait dédié leur vie entière, et ce, pour ce moment précis. Chacun choisit une tâche et partit vers la civilisation où l’attendait sa prochaine mission. L’espoir de Silver avait été l’élément déclencheur de cette décision et pourrait être la raison de la survie de la race humaine.

L'AUBE Abigaël Senneville, gagnante de la bourse d’écriture Télé-Québec, catégorie 5e secondaire
École secondaire Paul-Hubert
Commission scolaire des Phares

L'aube

Nous les attendions depuis l’aube. Voilà des jours que l’appel avait été lancé. L’écho de nos voix résonnait encore parmi les montagnes.

L’immense forêt autour de nous resplendissait de vie. Les grands arbres chatouillaient les nuages. Les oiseaux chuchotaient des secrets au vent. Le Soleil réchauffait doucement les feuilles. Quelques lucioles timides scintillaient encore, alors que la nuit avait laissé place au jour depuis quelques heures. L’été donnait aux cerfs la fougue de leur jeunesse. Les rayons de lumière dansaient entre les cimes et éclairaient les diverses empreintes. Le ruisseau qui serpentait au loin semblait scintiller comme des milliers de diamants.

Voilà ce qui pourrait être appelé un coin de paradis. Les lieux offraient une promesse de vie simple, mais vraie, à l’abri des tourments de la société. La forêt donnerait tout ce dont elle avait besoin à la personne assez courageuse pour décider d’être libre. De longues années de bonheur loin de la cruauté des hommes. Le temps passait plus lentement, ici. Les années s’effilochaient sans que rien ne change. La patience est une fidèle alliée pour ceux qui savent la maitriser. Et nous étions très patients. Car nous les attentions depuis l’aube.

Cette forêt était un sanctuaire qui avait traversé les âges, qui avait grandi en même temps que les grands rois. Elle avait connu la paix, mais aussi la guerre. Trop de sang imbibait le sol.

Je n’étais pas morte ici. Non, on m’avait tuée sur la terre de mes ancêtres, en Inde, pour avoir voulu empêcher un crime comme celui qui allait se produire. Mon âme avait voyagé, mais je n’avais jamais cessé d’être une Bishnoï. J’avais vu mes enfants et mes petits-enfants grandir et vivre pour notre cause commune. Pour ensuite que tout soit réduit à néant par un gouvernement trop dépendant de l’argent. J’avais ensuite erré dans l’espoir de continuer ma mission. Tant de fois j’avais échoué. Tant de fois j’avais failli à mon devoir. Mais pas aujourd’hui.

Être Bishnoï, c’était vivre pour la nature. La vénérer, s’en occuper. Dans mon village, en Inde, je me levais chaque matin pour défendre notre territoire et toutes ces richesses que les gens ordinaires étaient trop aveugles pour voir. Résonnèrent alors de furieuses détonations.

Nous savions à quoi nous attendre, cette fois. Nous étions préparés, pâles silhouettes, nos saris flottant tels des lambeaux de brume. Les monstres se croyaient tout permis, invincibles, seuls pour accomplir leur funeste dessein, alors que nos échos avaient depuis longtemps rassemblé le peuple. Et nous les attendions depuis l’aube.

Les destructeurs arrivèrent, armés de haches, conduisant d’énormes machines qui relâchaient d’épais nuages de fumée noire. Ils étaient déjà prêts à raser la forêt, emporter les troncs et brûler le reste. À détruire le sanctuaire.

Dans nos rangs, les murmures amplifièrent. La colère parcourait les sacrifiés de notre peuple, qui, comme moi, hantaient le monde suite à une confrontation comme celle qui allait se dérouler ici.

Un Bishnoï vit pour la nature. Et meurt pour elle. Mais les morts n’ont rien à perdre.

L'IMPRÉVU Laurence Côté, gagnante du stage « Suivez les pas d’un journaliste » à ICI Radio-Canada
4e secondaire, École secondaire de Trois-Pistoles
Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs

L'imprévu

Le soleil à travers les branches. Le doux vent qui caresse les joues. Des sifflements qui comblent l’oreille. Cette ambiance paradisiaque est digne des forêts bas-laurentiennes qui plaisaient tant à Blanche. Cette jeune fille n’était pas celle des contes de fées qui ont marqué notre enfance. Non, celle-ci était plutôt originaire d’un petit village au creux d’une forêt dense et éloignée où elle vivait en compagnie de ses parents. Lorsqu’elle s’aventurait dans les bois, Blanche se baladait jusqu’à l’immense bouleau jaune qui surplombe la forêt. La fillette aimait s’y reposer, sereine. Par une splendide matinée, elle planifia un nouveau projet : dormir à la belle étoile.

Au commencement de sa randonnée, Blanche avait déjà un campement idéal en tête. Elle devait longer la rivière qui serpente la forêt pendant un bon bout de temps. Soudain, la fillette remarqua des empreintes sur le sol. C’étaient d’étranges traces de sabots ensanglantés.

Affolée, la jeune fille hâta le pas en suivant le chemin de sang. Cependant, les empreintes s’arrêtaient devant la rivière. Blanche suivit son instinct et décida de traverser le cours d’eau. Elle fit un premier pas, puis un autre, mais le troisième la fit glisser. Emportée par le courant, Blanche regarda autour d’elle. C’est à ce moment qu’elle vit un rocher sur le bord de la rive. La jeune s’y agrippa et réussit à retourner sur la terre ferme.

Blanche retrouva les traces de sabots. Elle les suivit à nouveau malgré qu’elle était mouillée. Cette fois-ci, elle sentait quelque chose qui la suivait. Elle observa derrière elle où il y avait une petite famille de ratons laveurs. Ils la regardaient avec un air lui disant de les nourrir. C’est avec pitié qu’elle fouilla dans son baluchon pour y trouver de quoi les combler. La petite leur donna des baies dont le minuscule troupeau raffola. Cohabiter, c’est aussi s’entraider!

Après avoir observé les ratons manger, la jeune fille continua de se balader en suivant le chemin tracé par l’animal blessé. Plus elle avançait, plus la lumière disparaissait. Blanche décida de sortir sa lampe de poche pour y voir plus clair, mais celle-ci avait pris l’eau lors de sa trempette accidentelle dans la rivière. Au loin, la fillette vit quelque chose briller dans la noirceur. « Des lucioles », murmura-t-elle. Blanche se précipita pour les capturer à l’aide de sa gourde formant ainsi une lanterne nouveau genre.

Avec persévérance, la petite arriva à la fin des empreintes. Elle vit devant elle un orignal avec plusieurs insectes sur lui : la tique d’hiver. L’animal en était couvert. À la fin du printemps, elle savait qu’il était rare qu’un orignal atteint survive de cette infestation. Blanche décida de veiller sur lui. Fatiguée, elle finit par s’endormir bien malgré elle. Au petit matin, elle fut réveillée par une équipe de secouristes. Blanche croyait qu’ils étaient sûrement venus secourir l’orignal, mais tout le monde était rivé sur elle. C’est alors que quelqu’un dit à travers son émetteur-récepteur : « Nous avons retrouvé la jeune fugueuse. »