Accurso

DES AMITIÉS TISSÉES SERRÉES

Mise en contexte

« Tout le monde voulait être l’ami de M. Accurso » - Michel Arsenault, ex-président de la FTQ

Les informations contenues dans cet organigramme sont tirées d’allégations faites à la commission Charbonneau et du résultat d’enquêtes policières.

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Tony
Accurso

Jean
Lavallée

La FTQ-
Construction

Retour sur le Touch

Gilles
Vaillancourt

Laval
La collusion

Une Cadillac et 200 000 $

Frank
Zampino

MONTRÉAL
Les contrats du MTQ

Collusion dans l’asphalte

L’ombre des Rizzuto

CRÉDITS
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Tony Accurso

Tony Accurso a été un joueur de poids dans la construction au Québec pendant plus de 20 ans. Fort de l’appui du Fonds de Solidarité FTQ et de son bras immobilier (SOLIM), il a bâti un empire dont les fleurons, Louisbourg et Simard-Beaudry, seront des acteurs majeurs tant auprès des villes de Laval et de Montréal que du ministère des Transports du Québec.

D’homme d’affaires, il devient objet de scandale lorsque les médias révèlent en 2009 que le président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino, et le président de la FTQ, Michel Arsenault, ont tous deux séjourné sur le Touch, son célèbre yacht. La multiplication des scandales le contraint à vendre la majorité de ses entreprises.

Tony Accurso doit répondre à des accusations de fraude fiscale dans le cadre des projets Coche et Touch, ainsi qu’à des accusations en lien avec des pratiques de collusion et de corruption, à Mascouche et à Laval, dans la foulée des opérations Gravier et Honorer.

Jean Lavallée, FTQ

« C’est comme un frère, Accurso! » - Jean Lavallée devant la commission Charbonneau

Si le nom de Tony Accurso a d’abord été associé à l’ex-président de la FTQ Michel Arsenault, c’est avec Jean Lavallée que l’entrepreneur entretenait ses liens les plus serrés.

Celui qui a été président de la FTQ-Construction (1981-2008), membre du C. A. du Fonds de solidarité et président du C. A. de son bras immobilier (SOLIM) a reconnu devant la commission être un intime de l’entrepreneur, important partenaire du Fonds et de la SOLIM jusqu’en 2009-2010.

Il a été invité une vingtaine de fois par Tony Accurso dans le sud, notamment pour des séjours sur son luxueux yacht, le Touch. L’entrepreneur ne lui aurait rien demandé en échange.

Michel Arsenault a de son côté répété devant la commission que les dossiers de l’entrepreneur n’ont jamais bénéficié d’un « fast track » au Fonds, une allégation faite d’abord à Enquête en 2009 par trois anciens dirigeants du Fonds sous le couvert de l’anonymat.

Fonds de solidarité FTQ - SOLIM

« Je ne peux pas être plus en "tabarnak" : j’ai "blasté" Michel Arsenault » - Tony Accurso à Guy Gionet, 28 avril 2009

Michel Arsenault, le président du C. A. de la SOLIM Jean Lavallée et son PDG Guy Gionet ont tous pris la défense de Tony Accurso à la commission, insistant que ses dossiers étaient conformes et avaient été profitables pour le Fonds.

M. Gionet a cependant souligné que M. Lavallée était au courant de tous les dossiers de M. Accurso et que lorsque l’un ou l’autre lui parlait « c’était relativement la même voix ».

Son prédécesseur, Richard Marion, avait soutenu que son renvoi par M. Lavallée pouvait en partie s’expliquer par son refus de laisser la SOLIM financer deux projets qu’ils lui avaient amenés, soit la pourvoirie Joncas et les condos du 6650 boulevard Couture.

La révélation du séjour de M. Arsenault sur le Touch et l’intérêt croissant des médias et du fisc pour les entreprises d’Accurso décideront le président du Fonds Yvon Bolduc de l’écarter, au printemps 2009, afin de préserver la réputation du Fonds.

Accurso et la FTQ-Construction

Selon Ken Pereira, la lutte électorale entre le clan de l’ex-directeur général de la FTQ-Construction Jocelyn Dupuis et celui de Jean Lavallée en novembre 2008 avait notamment pour objet l’accès à un siège au C. A. du Fonds.

« C'est assez que Tony (Accurso) et Johnny (Lavallée) gèrent le Fonds », aurait dit le mafieux Raynald Desjardins à Ken Pereira, « c'est à peu près temps qu'ils laissent une partie du gâteau à nous autres, à moi pis à Jocelyn [Dupuis] »

Des écoutes policières montrent qu’au printemps 2009, Jocelyn Dupuis voulait attaquer la réputation de MM. Arsenault, Lavallée et Accurso dans les médias afin qu’ils laissent son successeur, Richard Goyette, siéger au Fonds. M. Dupuis dit que l’équipe présentée par Lavallée était « contrôlée par Accurso », dont il serait à la botte, et qu’il entend dénoncer leur contrôle sur SOLIM.

M. Dupuis a nié que le Fonds était l’enjeu et que le chèque de 56 437 $ émis par Louisbourg de Tony Accurso à sa firme Option Affaires JTP était pour acheter son silence.

Retour sur le Touch

« Si le bateau n’est plus utile pour faire du PR, je vais m’en débarrasser » -Tony Accurso, 15 mars 2009, conversation avec Michel Arseneault

Outre Michel Arsenault et Jean Lavallée, plusieurs membres bien placés de la FTQ-Construction ont séjourné sur le Touch, dont son ancien directeur général Jocelyn Dupuis. L’ex-maire de Mascouche Richard Marcotte, arrêté avec M. Accurso par l’UPAC dans l’opération Gravier, y a aussi séjourné.

La commission Charbonneau a aussi présenté un extrait d’écoute de novembre 2008 dans lequel l’entrepreneur Joe Borsellino de Garnier dit que Tony Accurso y a invité le député libéral Tony Tomassi.

M. Accurso a cependant réfuté y avoir jamais invité un député ou un ministre.

Michel Arsenault a par ailleurs bien souligné qu’avant les scandales, M. Accurso avait non seulement la confiance du Fonds, mais celle des gouvernements, des Villes et des banques :

« Avant mars 2009, tout le monde voulait être l’ami de M. Accurso. J’ai vu M. Accurso photographié avec des ministres! »

Gilles Vaillancourt, Laval

Gilles Vaillancourt, maire de Laval de 1989 à son départ forcé en 2012, a été arrêté en mai 2013 par l’UPAC dans le cadre de l’opération Honorer.

Il est accusé, entre autres, de gangstérisme, pour son rôle dans un système de collusion et de corruption à Laval portant sur les contrats de la Ville.

Plusieurs témoins à la commission Charbonneau l’ont décrit comme la tête dirigeante d'un système collusionnaire impliquant plusieurs firmes et entreprises, dont celles de Tony Accurso, qui se partageaient la majorité des contrats de Laval et finançaient en contrepartie son parti, le PRO des Lavallois.

Laval : la collusion

Le 9 mai 2013, Tony Accurso était épinglé par l’UPAC pour sa participation présumée à un système de corruption et de collusion à Laval. Plusieurs témoins ont affirmé devant la commission qu’une poignée de firmes de génie et d’entreprises, dont Simard-Beaudry et Louisbourg, se partageaient les contrats de la Ville au terme d’appels d’offres truqués et finançaient en retour le parti de Gilles Vaillancourt, le PRO des Lavallois.

Tony Accurso, à l’instar de 29 des 36 autres coaccusés dans Honorer, est accusé de complot pour corruption, de complot pour fraude, de fraude, d’acte de corruption dans les affaires municipales, de fraude envers le gouvernement et d’abus de confiance.

Marc Gendron et Roger Desbois, de la firme Tecsult, qui recueillaient pour le maire auprès des entrepreneurs une ristourne de 2 % sur la valeur des contrats obtenus, affirment avoir amassé près de 4 millions de dollars entre 1996 et 2009.

Accurso, une Cadillac et 200 000$

« Il est arrivé en arrière de sa Cadillac, il ouvre la valise et dit : il y a 200 000 $ là-dedans. » - Marc Gendron

Tony Accurso « avait une plus grande relation avec M. Vaillancourt que les autres », a soutenu devant la commission Charbonneau l’ex-collecteur occulte du maire, Marc Gendron. M. Accurso pouvait ainsi se permettre, à l’occasion, de ne pas payer sa cote de 2 % sans que le maire y trouve à redire, a-t-il souligné.

M. Gendron a par contre raconté avoir reçu en 2000, des mains de M. Accurso, une valise contenant 200 000 $ tirée du coffre de sa Cadillac dans le stationnement de son restaurant L’Onyx.

Frank Zampino, Montréal

« La réalité, c'est que ce n'est pas Tremblay qui gérait, c'était Zampino » - Rosaire Sauriol, ex-vice-président de Dessau

Bras droit du maire Gérald Tremblay de 2001 à 2008, Frank Zampino cultivait à son insu une amitié avec Tony Accurso. La révélation, au printemps 2009, de ses séjours sur le Touch en 2007 et 2008, alors que la Ville concluait un contrat de 356 millions de dollars pour des compteurs d’eau avec Simard-Beaudry et Dessau, est un coup de tonnerre.

L’ex-président du comité exécutif se défend de toute malversation, mais démissionne aussitôt de chez Dessau... Selon l’ex-vice-président de Dessau, Rosaire Sauriol, qui était avec lui sur le Touch, il était « l'homme le plus puissant de Montréal ».

M. Zampino a dit n’avoir jamais constaté de collusion dans les contrats à la Ville de Montréal. Il a admis avoir fait d’autres voyages avec M. Accurso, notamment à Las Vegas avec Robert Abdallah, ex-directeur général de Montréal (2003-2006), qui dirigera une filiale de Simard-Beaudry (2008 à 2011).

Montréal: les contrats du MTQ

L’ancien patron d’Infrabec, Lino Zambito, a soutenu devant la commission Charbonneau qu’une poignée d’entrepreneurs, dont Tony Accurso, se partageaient les contrats du ministère des Transports du Québec (MTQ) dans la région de Montréal. M. Accurso aurait ainsi obtenu en collusion des contrats pour la réfection du rond-point L’Acadie au début des années 2000, selon M. Zambito.

François Beaudry, un ex-conseiller du sous-ministre des Transports, a pour sa part expliqué à la commission avoir appris l’existence d’un système de partage de contrats du MTQ, dès 2003, grâce à un mystérieux entrepreneur bien au fait. Il a confirmé la version des faits de M. Zambito concernant le rond-point L’Acadie.

Collusion dans l’asphalte

« On touchait à tout le monde » - Gilles Théberge

Gilles Théberge, un ex-directeur de Sintra, a soutenu devant la commission que son entreprise et plusieurs producteurs-entrepreneurs en asphalte, dont Simard-Beaudry, ont formé un cartel en 2000 avec, à la clé, des marges de profits de 30 %.

M. Théberge a affirmé que les pratiques collusionnaires touchaient tant les contrats municipaux à Montréal et sur la Rive-Sud que ceux du MTQ, sur la Rive-Nord et la Rive-Sud.

M. Accurso n’aurait cependant pas été membre du cartel des égouts de Montréal, dévoilé par les ex-fonctionnaires municipaux Luc Leclerc et Gilles Surprenant, ainsi que par l’entrepreneur Lino Zambito.

La commission a cependant présenté un rapport de 2006 de la Ville sur les contrats de voirie, aqueducs et égouts qui indique qu’en 2005, Simard-Beaudry et Louisbourg avaient récolté 18,5 % de ces contrats.

L’ombre des Rizzuto

L’entrepreneur Lino Zambito a soutenu s’être retiré d’un contrat du MTQ pour le rond-point L’Acadie au profit de M. Accurso, au terme d’une médiation conduite par le parrain de la mafia aujourd’hui défunt Vito Rizzuto, vers 2003-2004. M. Accurso a publiquement nié cette allégation.

L’enquêteur Éric Vecchio a aussi démontré à la commission qu’à la même époque, Vito Rizzuto et Tony Accurso se sont rencontrés pour discuter d’une possible implication de son entreprise Marton dans le projet de condos de luxe au 1000 de la Commune. Il n’y aura pas de suite.

Devant la commission, la mafia a été associée dans ce dossier à l’entrepreneur Tony Magi, peu apprécié de M. Accurso, qui, dans un autre dossier, usera de son influence pour le tenir à l’écart de SOLIM, selon des écoutes.

Crédits

Information colligée par Bernard Leduc

Anne-Marie Duguay : Illustration de données pour la télévision

Bernard Leduc : chef de pupitre, commission Charbonneau

Chistian Thivierge : Rédacteur en chef

Daniel Herrera et Luc Lavigne : Conception et intégration

Éric Larouche et Melanie Julien : Chefs de pupitre

Martine Roy : Gestionnaire de projet